Un CHSCT, pour qui et pour quoi ?
A l’heure où plusieurs équipes de SAP France, tant au Product Group, qu’à la Market Unit ont été identifiées comme étant le lieu de souffrances au travail, la constitution d’un nouveau CHSCT, chargé de débattre des conditions de travail et de mettre la direction de SAP France face à ses obligations de résultat, aurait pu être porteuse d’espoir. Il faut bien constater que depuis 5 ans, les conditions psychologiques de travail chez SAP France ne s’améliorent pas. Les précédents CHSCT ont été impuissants à lutter contre cette tendance, bien qu’un CHSCT dispose de pouvoirs particulièrement efficaces dans ce domaine.
Les neufs élus du nouveau CHSCT ne sont pas si neufs que cela. En effet 6 « nouveaux » membres ont déjà fait partie des précédents CHSCT gouvernés par les approches locales syndicales CGC et CFDT. Seuls 3 membres sont véritablement nouveaux. L’élection a été organisée de façon à ce qu’il n’y ait aucun élu d’approche CGT. Cependant, cela n’empêchera pas la CGT, syndicat représentatif chez SAP, de disposer d’un observateur par l’intermédiaire d’un RS[i] au CHSCT. Disposer d’un élu lui aurait permis d’imposer le traitement de certains sujets délicats et leur enregistrement dans les PV du CHSCT. Certaines questions resteront donc sous silence dans cette institution (conformité de l’accord sur le temps de travail, les tickets restaurants, légalité du Grading, droit d’alerte sur les RPS ou enquête suite à décès potentiellement corrélés au travail).
Car il faut bien se rendre à l’évidence, le temps passe et les conditions de travail se détériorent. Les différentes enquêtes , études, alertes des précédents CHSCT PG ou CHSCT MU ont permis d’identifier le phénomène comme de caractériser les processus et les responsabilités. Mais ils ont été impuissants à influencer la direction et à la contraindre à respecter ses obligations. Pourquoi ? Parce que les membres des syndicats majoritaires qui dominent cette instance ne dépassent pas le stade de la contemplation. Cette formulation relève d’ailleurs de l’euphémisme. La réalité est plus grave, plus scandaleuse, sujette à colère, mais « Too big to be admitted » par des salariés loin des manigances de la direction avec ses partenaires sociaux. Le jeu théâtral de contestation et de pseudo rébellion des élus « modérés » (litote pour complaisants) n’est là que pour créer l’illusion. Au moment des prises de décisions, des actions possibles en justice ou des communications externes, les partenaires sociaux rentrent dans le rang et les problèmes de santé demeurent. Ils se reproduiront ailleurs, quelques mois plus tard. Car le management ne change pas de style juste après un « avis » du CHSCT, dont il se contrefout une fois qu’il est donné !
Or le CHSCT dispose de pouvoirs importants, issus des textes qui, en matière de sécurité, contraignent tout employeur à une obligation de résultats. Ce sont des pouvoirs d’investigation et de contrôle.
Ainsi la jurisprudence a renforcé son pouvoir d’enquête au cours du temps. Cela permet à un CHSCT de faire toute la lumière possible sur des accidents ou maladies professionnelles ; à tel point que certains journaux spécialisés n’ont pas hésité à titrer : le CHSCT nouvelle bête noire des employeurs ! Mais pour rendre ce pouvoir effectif, encore faut-il des membres courageux et véritablement indépendants d’une direction…
Concernant les problèmes identifiés au Product Group ou à l’Avant-vente, le CHSCT peut diligenter une enquête et y participer. Mais il peut surtout agir de concert avec un ou plusieurs délégués du personnel (DP) par le biais du « Droit d’alerte DP ». Ce mode d’action est particulièrement efficace car il permet de condamner l’employeur pour ses pratiques managériales attentatoires à la santé et d’obtenir une indemnisation pour les salariés victimes.
Malheureusement, seuls les Délégué du Personnel CGT ont osé utiliser cet instrument (le droit d’alerte) pour contraindre la direction. Nous avons constaté au contraire qu’un DP CFE-CGC utilisait « son droit d’alerte » en soutien d’une action de la Direction SAP contre un élu CGT au CE ; le monde à l’envers en quelques sorte : « Too big to be admitted ».
Voilà pourquoi une direction n’a pas intérêt à trouver dans un CHSCT des élus combatifs et courageux. Des simili rebelles à la voix forte qui se résignent au moment d’agir, lui convient beaucoup mieux.
Ces pseudos défenseurs de la cause salariale s’en prendront volontiers à un ou deux managers. Car ils personnalisent les problèmes comme les pratiques, sans remettre en cause le système qui les pérennise. Il ne faut pas oublier qu’un manager aux méthodes perverses ou déviantes n’est pas arrivé à son poste par hasard. Il a été nommé suivant certains critères. Il ne sert à rien de faire partir un dirigeant sans s’attaquer aux racines.
Il ne sert à rien d’obtenir le départ de tel ou tel dirigeant, pour constater immanquablement chez son remplaçant les mêmes approches déviantes.
C’est pourquoi… , certains n’hésitent pas à demander ouvertement le départ de la DRH, dont l’incompétence sociale a été prouvée par 4 procès perdus par SAP face à la CGT@SAP en moins de 3 mois !
Plus ce départ sera réclamé et moins SAP ne le décidera, laissant l’incompétence sociale en place, pour de nouveaux procès à perdre par SAP et une meilleure indemnisation des salariés, à défaut de pouvoir changer un management SAP centralement autoritaire et socialement sclérosé, mais soutenu par certains partenaires sociaux « constructifs ».
[i] RS - Représentant Syndical - désigné par le syndicat afin de prendre part aux réunions et aux débats mais n’ayant aucune voix délibérative